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En Russie, le droit à l’avortement attaqué et rogné sur fond de déclin démographique

Longtemps cantonnée aux cénacles religieux et ultraconservateurs, la remise en question du droit à l’avortement a fait, cet automne, un bond spectaculaire en tête de l’agenda politique russe. S’il n’est pas encore question d’une interdiction franche, ce droit, acquis en 1920 avant d’être brièvement retiré à plusieurs reprises, se voit peu à peu rogné, au nom des « valeurs traditionnelles » et d’une démographie en berne.
Dès l’été, le ministre de la santé, Mikhaïl Mourachko, évoquait « une tendance perverse (…) selon laquelle les femmes devraient d’abord recevoir une éducation, faire carrière et s’assurer de leur bien-être matériel avant de s’occuper de faire des enfants ». Dans la foulée, il réclamait un contrôle plus strict sur la vente des molécules permettant d’effectuer des avortements médicamenteux.
Selon les détracteurs du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le chiffre officiel des avortements pratiqués en Russie (395 201 en 2022, ce qui correspond à une baisse de 4 % par rapport à 2021) serait sous-estimé du fait d’un contrôle incomplet sur la vente des médicaments.
Mais c’est surtout au début du mois de novembre que le sujet a été relancé, lorsque Vladimir Poutine, au cours d’une discussion avec des membres de la société civile, a évoqué l’avortement comme « un problème aigu ». « L’Etat a pourtant fait beaucoup pour soutenir les familles », y soupire le président russe, visiblement dépassé par l’échec de sa politique démographique, dont il a fait un thème central dès son arrivée au pouvoir en 2000. Selon l’agence statistique Rosstat, qui fait autorité en la matière, la Russie comptait, au 1er janvier, 146 447 424 habitants (Crimée annexée comprise). Soit moins qu’en 1999.
Si aucune piste précise n’est à ce moment évoquée par Vladimir Poutine, la remarque a suffi pour libérer la parole et les initiatives les plus diverses. A la Douma, la commission à la santé a ainsi adopté un certain nombre de recommandations allant dans le sens d’une restriction du droit à l’IVG : réduction du délai légal de douze à huit semaines ; accord nécessaire du mari, pour les femmes mariées ; allongement du délai de réflexion obligatoire, avec obligation « d’écouter battre le cœur du fœtus »…
Pour l’heure, ces recommandations n’ont pas été transcrites dans la loi, mais certaines régions ont pris les devants. Trois d’entre elles – Mordovie, Tver, Kaliningrad – ont d’ores et déjà interdit « l’incitation à l’avortement », passible d’amendes, malgré le caractère flou du concept. Le Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement, a proposé qu’une loi étende la mesure à l’ensemble du pays.
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